« Si vous traitez un individu comme il est, il restera ce qu'il est.
Mais si vous le traitez comme s’il était ce qu'il doit et peut devenir, alors il deviendra ce qu'il doit et peut être. »

Behandle die Menschen so, als wären sie, was sie sein sollten, und du hilfst ihnen zu werden, was sie sein können.

J. W. von Goethe, Faust I

Art Therapie Virtus

lundi 3 décembre 2012

BD – Les doudous – Interdit de parole

Je dis les doudous, car avant d'avoir grande oreille mon doudou actuel, j'en avait un autre, c'était mon tout premier. Emmanuelle voulait que je parle de ce sujet. Oui pourquoi pas ? mais là j'appréhende certaines réflexions, car quand on parle de notre DOUDOU à notre âge, la première réaction de certaines personnes est : sujet de bébé, ridicule, un doudou à ton âge ! Donc voilà pourquoi mon appréhension pour aborder ce sujet, mais je me lance et même si cela pourrait vous étonner de voir ma version de doudou.
Alors mon premier doudou, quand je l'ai eu je devais avoir 20 ans c'était dans les années 1986 j'étais à cette époque dans un foyer de jeune fille, mais entre temps je me suis retrouvée dans une chambre meublée que je me payais. C'était une époque très dure. Pas beaucoup d'agent, je mangeais très peu et dans cette chambre meublée ou j'ai atterri très vite, en hiver de la glace se mettait à l'intérieur sur la fenêtre, fenêtre enfin si je peux dire cela car elle était toute petite. Imaginez cette chambre, elle était mal isolée, je faisais ma vaisselle sur le palier dans la douche. Je n'avais pas souvent de l'eau chaude dans ma chambre et j'avais juste un petit lavabo et les toilettes était sur le palier aussi, et pour faire ma cuisine, juste un petit réchaud, et dans cette chambre il y avait ce grand lit de deux places, qui à chaque fois que je rentrais dedans pour me coucher me foutait des crises d'angoisses. Je me sentais perdu là-dedans et pas moyen de me réchauffer. Oh là ce grand vide. C'était impossible pour moi de me mettre en boule comme j'aime toujours le faire. De temps en temps, j'aillais à coté dans mon ancien foyer de jeune fille, pour faire remplir mes 2 bouillottes, pour les mettre dans mon lit, afin de me réchauffer, mais je ne pouvais pas y allez souvent, je n'y habitais plus là-bas. Je prenais comme excuse que je passais faire coucou. Le personnel savait pour les bouillottes mais il laissait passer… mine de pas savoir pour ne pas me mettre mal à l’aise. Le chauffage était électrique dans cette chambre, donc c'était en plus à payer, et je ne pouvais pas trop le mettre.

A partir de là je crois que c'était ma décente en enfer : de sacrées années, mais pour mes mères nourricières j'étais bien dans cette chambre, et je n'avais aucune aide d’elles qui ne voulaient pas. Elles me disaient que cela m'apprenait la vie, de vivre comme cela. J'avais fini mes études et je travaillais dans une clinique : mon premier travail. Je me sentais vraiment seule. Pas trop d'ami-e-s et j'étais très timide, j'avais peur de partir découvrir la vie et je n'étais pas sûre de moi pour me fondre dans la foule et partager , alors dans cette chambre j'y passais de grand moment. Je n'avais qu'une radio et ce n’est que beaucoup plus tard que j'ai pu avoir la télévision. Mais c'est pareil, elle ne marchait qu’une fois sur deux.
Pour revenir à cette histoire de doudou, à mon tout premier donc ce doudou m’a été offert par un ami que j'adorais, mais qui est mort depuis du sida. Il n'était pas neuf ce doudou, mais j'en voulais un et mon ami le savait. Je n'arrêtais pas de le dire à cet ami Yannick, c'était important pour moi d'avoir une peluche. Il n’était pas neuf mais quand il me l’a donné, je me rappelle, il avait mis un super nœud au milieu de son ventre. Le nœud était rouge avec un mot : recherche une maman car j'ai besoin de câlins. Ce doudou je l'avais repéré parmi ses peluches à lui dans sa chambre. Dans la chambre que j'habitais, je n'étais pas bien et j'avais souvent froid et je pensais que ce doudou pour moi allait me réchauffer dans ce lit et m'amener de la douceur. Et puis ce doudou avait une odeur, l'odeur de mon ami et je l'aimais cet ami. Alors voilà la douceur que je cherchais et je l'avais trouvée à travers ce doudou, je retrouvais l'odeur de mon ami. Oh le doudou était beau, simple, mais un peu fatigué, mais il avait une bonne petite bouille, avec sa petite langue et ses grandes oreilles. Oh que je l'aimais, il me tenait compagnie le soir je le mettais à l'intérieur de mon maillot et je lui racontais ma journée mes misères. J’en prenais énormément soins.
Mais une chose qui m’a beaucoup marquée dans cette histoire de doudou c'était quand j'étais plus jeune, enfant, le doudou était banni chez mes mères nourricières, elles n'admettaient pas ce genre de chose, ce genre de douceur, de chaleur, il y avait bien ce truc moche quelle avait tricoté, je dirais un genre de singe, mais il me faisait très peur, rien d'attirant, et puis il était pour tout le monde, à mes deux frères aussi, pas à moi, rien qu'à moi, d'ailleurs (je vous ai mis une photo) mes mères nourricières disaient que cela pouvait nous servir pour nous plaindre et encore, car pour elles cela ne servait qu'à cela : pratiquement inutile, un doudou. Et comme pour elles aussi je ne devais me plaindre de rien, alors pourquoi avoir ce genre de chose avec moi ? Mais plus tard, quand elles avaient découvert que j'avais un doudou à moi, rien qu'a moi, que j'avais caché dans mon sac de voyage, car j'étais descendue les voir pour le week-end, l’une d’entre elle se mis dans une rage terrible, alors elle me l’a pris et lui à coupé la langue, et elle m’a dit que cette chose ignoble ne devait pas parler comme moi. Ce comportement que je devais encore avoir et continuer à faire même si je n'habitais plus à la maison, mais c'était une chose qui n'avait pas changé, je devais me taire et obéir : pas le droit à la liberté même à ce moment là, même plus vielle. J'avais constaté, reconnue et compris que cela ne changerait jamais. Ça m'avait fait très mal ce geste qu'elle avait eu à son égard, envers mon doudou. Je me suis sentie terriblement malheureuse, comme si on me poignardais à ce moment-là, dans mes entrailles, moi qui prenais très soin de ma petite douceur de ce doudou.
Mais une fois de retour à Tours, je lui ai remis toute de suite une nouvelle langue rouge, c'était important pour moi. Je le sentais malheureux, mutilé et là il était complet. Surtout que pour moi, il pouvait me reparler s’il le voulait, mais ce fut un geste de ma part, un geste de mort envers lui que j'avais fait là et je ne m'en étais pas rendu compte. Si j'avais su la suite pour lui, si j'avais su, le mal que je faisais là, je ne lui aurais pas remis sa petite langue. Mon dieu ! Car quand ma mère nourricière l’a revu car je l'avais mal caché dans mes affaires, et puis, comme elle fouillait partout, à chaque fois que je descendais les voir, partout dans mes affaires, et là, le couperet était tombé : c'était terminé pour mon doudou. Elle m’a dit : non seulement tu lui as remis une langue, mais tu m'as désobéi. Elle criait haut et fort : je ne veux plus de cette chose avec toi, plus cette mocheté. L'une d'elle me la pris, elle m’a demandé de la suivre dehors et la elle l'avait balancé dans le feu mon doudou et elle rigolait fort très fort. Comme j'étais malheureuse, que cela me faisait mal, je l'ai beaucoup pleuré mon doudou, il me manquait, il manquait une partie de moi. C'est vrai vous allez me dire que ce n'était qu'une peluche. Oui certes, mais pas pour moi, non, c'était plus que cela, c'était de la douceur qu'il m'apportait au moins, et de la chaleur.
Voilà pourquoi mon doudou actuel, qui vient de Emmaüs comme il n'avait pas de langue lui non plus, et c'est une chose qui me perturbe beaucoup, alors j'en est rajouté une. Et comme je vous l'ai dit il était complet il ne lui manquait plus rien à mon doudou, comme pour mon premier doudou. D'ailleurs il est sur le blog mon grandes oreilles. Et celui-ci j'y tiens et personne ne lui fera de mal, personne vous savez pourquoi ? car il a de grandes oreilles comme mon premier, et que je lui ai rajouté une langue comme l'autre, comme mon premier doudou, et celui-ci m'apporte de la douceur et de la chaleur.
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5 commentaires:

  1. Les doudous, je ne connais pas. Je ne me rappelle pas en avoir jamais eu, quoiqu'une photo d'enfant présente bien un gros nounours. À en juger selon mon incompréhension des doudous de mes propres enfants, je ne comprends pas ce que ce peut être.

    Les êtres humains sont créatifs dans l'art de faire souffrir: ils peuvent vous interdire de parler ou, pour moi, vous étourdir de telle manière que la bande magnétique du cerveau reste vierge, comme si rien n'avait jamais été écrit. ne restent que des traces, des fissures ici et là sur tout l'appareil, sur son corps, des déformations dans la façon de prendre les nouveaux enregistrements. À certains, on a enlevé ou perverti la parole, à d'autres on a présenté une réalité impossible à représenter parce que quelque part entre l'incroyable et l'incompréhensible. L'enfant ne sait même plus quoi dire parce que tout est "naturel" parce que sanctionné par ce qu'il y a de plus cher. Jouissance est souffrance et souffrance est jouissance. On est loin du parlé, on est même loin du vécu; on est loin du rêvé, et la vision même devient trouble. On est entre crainte et fatigue. On a envie de dormir, dormir, dormir.

    Je ne connais pas les doudous, avec ou sans langue, mais j'imagine bien la douleur de cette langue coupée, et la colère qui sourd, saine colère, rage essentielle à la survie, même dans l'impuissance, surtout dans l'impuissance.

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  2. Bonsoir Philippe ,
    La crainte ! la crainte de parler ! le rêve , c'est quoi au juste ?? oui cela me fait peur , j'aime beaucoup la dernière phrase de votre texte l'impuissance , et moi je suis de votre avis pour la crainte et fatigue , moi je serais du coté de vouloir dormir dormir , mais je crois aussi que ma façon à moi n'est pas très terrible !
    A bientôt Philippe et bon courage à vous .

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  3. Béa, j'ai écrit après Grrrr Grrrr ici, sous ce billet où il a posé ses lettres : http://crea-tifs.blogspot.fr/2012/10/variations-autour-de-la-voix-off-ii.html?showComment=1355170109778

    Et je reviens là, en voulant vous demander : le premier doudou, celui que les "mères nourricières" mettent au feu, jettent au feu, c'est celui offert par Yannick ?

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  4. Bonsoir , CREA'tif ,
    Oui pour répondre à votre question , oui c'était mon ami Yannick , j'en ai un autre maintenant , grandes oreilles , mais la sensation est différente ...
    Bonsoir , et bonne soirée .

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  5. CREA'tif1, bonjour ,
    Oui le doudou mon tout premier était celui de mon ami Yannick , je vous le confirme ! mais voilà comment je peux réagir à cela , je vous avoue que je ne sais pas très bien !
    Bonne journée à vous , à bientôt .

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