Une des difficultés de travailler dans un
cadre de relation d’aide sur le net, c’est qu’il manque la dimension non
verbale, infra verbale. Mais est-ce si sûr ? Le texte qui suit essaye de montrer
un peu d’autres pistes et aussi l’importance de cette communication virtuelle,
qui permet quand même à un bon nombre de personnes de reprendre le poids
relationnel et d’exister.
Je suis psychologue clinicienne de formation,
et ayant travaillé en milieu hospitalier auprès d’enfants malades et de leurs
parents, j’ai acquis une certaine « dextérité » dans les entretiens
qui étaient essentiellement du soutien et de l’accompagnement.
Quand un site m’a
demandé de faire de l’aide par internet, je me suis vraiment demandée si
c’était possible, mais j’ai tenté l’expérience. Globalement il s’agissait de
personnes vivant quelque chose qui s’apparente à la dépression, qui se
plaignaient d’un mal être, d’une difficulté à vivre. Il était pour moi évident
que cet échange devait les ouvrir à une thérapie face à face, (comme quoi, dire
que le thérapeute n’a pas de désir, est presque impensable).
Les règles d’échange étant codifiées, j’ai pu
me rendre très vite compte que, d’une part « cela fonctionnait » mais
surtout que, même s’il n’y pas tout le non verbal qui a une place aussi
importante dans une relation face à face, il y a quand même beaucoup de non
verbal qui se joue.
Il y a déjà le pseudonyme choisi par la personne, car il est rarement neutre. Il dit quelque chose que l'on ne saisira peut être que plus tard, mais qui se dévoile.
Ce qui frappe d’emblée ce sont certains mots mal
orthographiés, que l’on peut tout à fait (pas toujours mais souvent)
interpréter comme des lapsus et qui peuvent justement permettre d’aller là où
la personne ne voulait pas aller (puisque dans l’écrit que l’on peut modifier
jusqu’au moment où il est envoyé, on peut toujours espérer maîtriser les
choses). Écrire pour vivre au lieu de mourir n'est pas innocent, même si les deux lettres m et p sont proches l'une de l'autre.
Il y a le respect des règles : il est
demandé aux personnes d’envoyer une page dans un format donné et avec une
police donnée. Certaines respectent, d’autres pas. Là encore quelque chose se
dit. Parfois on a l’impression de recevoir un texte beaucoup trop
« dense » sans aucun blanc et du coup il faut remettre des espaces,
des blancs, des points. Là encore quelque chose se dit. Je veux dire que
certains textes donnent une impression de gavage, comme si la personne voulait,
en quelque sorte, vous étouffer avec tout ce qui est en elle. Il y a d’autres
textes au contraire, où l’on cherche la demande et on ne la trouve pas. Et puis
on apprend que quelqu’un a dit à la personne que ce serait bien s’il… et du
coup il est dans le désir de l’autre, pas dans son désir à lui, et cela se
ressent.
Même s’il n’est pas question de mettre des
formules de politesses alambiquées il y a un minimum de correction et là
encore, il y a de grandes différences d’une personne à l’autre. Ne mettre aucun
merci (je sais bien que la personne paye pour avoir une réponse) pose quand
même question. Qu’est ce qui est dû ? comment vous considère t-elle ?
Là encore on est dans le non verbal et il est parfois nécessaire d’analyser son
contre transfert comme dans une thérapie face à face.
Je crois aussi que le style de chaque personne
est un peu sa signature et que là aussi il passe du non verbal. Là je dois dire
que la formation reçue lors de mes études (en particulier pour les tests projectifs)
aide considérablement.
L’une des difficultés de la communication par
internet est parfois liée à l’absence du regard qui pourrait « faire
passer la pilule ». Et surtout le fait que l’humour est la chose du monde
la plus mal partagée et que cela peut créer de véritables incompréhensions.
Je ne connaissais rien à l’inceste ni à ses
dégâts. C’est la rencontre avec des personnes ayant vécu ces agressions qui m’a
permis peu à peu de comprendre les ravages de ces actes sur toute leur
identité. J’ai rencontré, j’ai appris, et j’apprends encore et cela c’est pour
moi une des merveilles des blogs et des forums.
Actuellement, l’utilisation d’internet pour
entrer en relation avec des personnes qui n’auraient peut être jamais pu parler
d’elles en face à face est pour moi une merveille. Peut-être que cette
communication où finalement ne pas voir les personnes a aussi des avantages,
car on peut choisir le moment où on a envie de lire, envie de répondre (ne pas
être coincé par des horaires, ne pas être obligé de stopper un entretien, est
quand même fort agréable). Et puis parfois je me dis que ne pas voir la
personne cela peut avoir du bon.